La presse relate régulièrement les efforts de promotion des « modes alternatifs de résolution des conflits », entre autres en vue de désengorger les appareils judiciaires. Or, si la conciliation et la médiation font bien toutes deux partie des « modes alternatifs de résolution des conflits », leur nature est fondamentalement différente.
L’objectif principal de la médiation, et en particulier de la « médiation professionnelle », est de parvenir, grâce à l’intervention d’un tiers indépendant, impartial et neutre – le médiateur – à soutenir les personnes impliquées dans un conflit afin qu’elles parviennent à rétablir une qualité relationnelle favorable au dialogue et puissent trouver par elles-mêmes, librement et de façon amiable, les solutions qui leur conviennent. Ainsi, le médiateur accompagne d’abord et avant tout un projet relationnel.
Le fait que le médiateur soit indépendant est fondamental dans le processus et sa réussite. Il n’est soumis à aucune autorité externe et ne rend de comptes à ses éventuels tiers mandants que sur le déroulement du processus, et non pas sur les échanges entre les parties.
Au lieu de déléguer aux représentants du système judiciaire (avocats, juges) la responsabilité de défendre leurs intérêts, de mener les négociations et in fine d’arbitrer leur conflit, les personnes qui optent pour la médiation se réapproprient le processus de résolution de leur différend. Et en médiation professionnelle, c’est d’abord la restauration de la qualité relationnelle qui prime, de manière, à travers un processus structuré dont le médiateur est le garant, à réinstaurer un dialogue apaisé et constructif entre les personnes, avant d’aborder leur enjeux et intérêts, et de les accompagner dans la co-construction créative de solutions librement choisies. Il s’agit ici d’élargir le champ des possibles, en soutenant les parties pour qu’elles additionnent leurs contributions.
A l’inverse, la conciliation est le plus souvent soumise à l’autorité judiciaire, soit parce qu’elle est placée sous la tutelle d’un juge ou du fait qu’elle soit rendue obligatoire par le cadre juridique (notamment le code de procédure civile). Dans ce cas, le conciliateur n’est pas indépendant : il doit rendre des comptes à cette autorité.
Alors que le médiateur soutient les personnes afin qu’elles trouvent elles-mêmes la solution qui leur convient, le conciliateur pourra être amené à faire des propositions, voire à « pousser sa solution » en s’appuyant sur sa propre conception de ce qu’il pourra considérer comme « équitable », ou tout simplement sur sa perception de ce que l’une ou l’autre partie sera prête à « lâcher » ou accepter. C’est ainsi que d’un côté la médiation professionnelle vise à faire émerger des solutions créatives librement co-construites par les personnes concernées, et que de l’autre côté la conciliation implique le plus souvent une approche technique et « raisonnable », dans laquelle chaque partie est incitée à « faire des concessions » : on soustrait peu à peu des éléments, on rogne les attentes réciproques, on diminue le champ des enjeux jusqu’à atteindre un dénominateur commun acceptable.
À l’issue d’une médiation, les parties ont renoué avec un dialogue constructif et contribué à trouver une solution qui convienne à chacune. Elles en ressortent mieux outillées, plus instruites qu’au début du processus. Au terme de la conciliation, les parties auront été contraintes à se plier afin que le conflit puisse être réglé techniquement, ce qui génèrera le plus souvent des sentiments de frustration voire d’injustice, car la dimension relationnelle du conflit n’aura elle pas été prise en compte.
Un conflit résolu vaut certainement et dans tous les cas bien mieux qu’un conflit qui perdure et qui empoisonne la vie des personnes concernées. Mais le chemin pour parvenir à sa résolution et le sentiment final dans lequel se retrouvent les personnes concernées est fort différent selon le mode de résolution choisi, sous une certaine contrainte lors d’une conciliation, par la volonté de contribuer à une solution librement choisie dans le cas de la médiation.
On le voit donc bien : une soustraction n’est pas une addition et une conciliation n’est pas une médiation !